Interaction Santé : Quel a été votre parcours pour mener à votre situation actuelle ?
Marie-Christine Chareyre : J’ai été diplômée infirmière en 1986. J’ai exercé en tant que tel puis je suis devenu infirmière coordinatrice. J’ai évolué en tant qu’adjointe de direction dans le secteur médico-social, plus particulièrement en gérontologie.
En 2006, j’ai choisi de réorienter ma carrière en tant que formatrice, puis coordinatrice de formation, jusqu’à devenir directrice d’institut il y a de cela presque quatre ans. Et pendant trois ans, j’ai également assuré la coordination générale des soins du CHGR, notamment pendant la crise COVID.
Ce parcours est-il toujours possible aujourd’hui pour un ou une professionnelle paramédicale ?
Il l’est toujours. Les professions paramédicales, peu importe lesquelles, donnent encore la possibilité de multiples métiers. Même à partir d’une seule formation, on peut exercer de façons très différentes.
Infirmier, infirmière, c’est un diplôme. Pendant la formation, le parcours de stage peut être orienté déjà selon les appétences. Cela permet de découvrir différents types d’exercices, comme les urgences, la réanimation, les EHPAD, le milieu scolaire ou l’entreprise…
Ce diplôme peut aussi s’accompagner d’une spécialisation et ouvrir aux métiers d’aide-anesthésiste, infirmier de bloc opératoire, puéricultrice ou IPA (Infirmière de Pratique Avancée).
Il est possible d’évoluer ensuite vers les postes d’encadrement via le concours de cadre de santé, dans la fonction publique hospitalière. Titre qui permet aussi d’exercer en tant que formateur ou formatrice. Puis, après quatre années d’exercice il est possible de passer le concours sur titre de Cadre supérieur de Santé. Enfin, une carrière peut s’accomplir en réussissant le concours national de directeur/directrice des soins. Il est certes très sélectif mais reste tout de même accessible si bien préparé.
Il y a un parallélisme de forme dans le secteur privé, avec le diplôme CAFERUIS (encadrement dans le médico-social), le poste de Responsable des soins (équivalent aux cadres supérieurs de santé) et le diplôme CAFDES (direction d’établissement).
C’est le parcours potentiel des infirmiers et infirmières, mais les autres professions paramédicales peuvent prétendre à des trajectoires similaires. N’importe quel professionnel paramédical peut réglementairement accéder à la formation de Directeur des soins.
Au plus haut des responsabilités, être directrice ou directeur des soins ne nécessite pas d’être expert dans le secteur où l’on exerce.
Ces métiers différents se caractérisent-ils par un exercice différent des fonctions d’encadrement ?
Probablement. Cela a été une grande question quand l’école des cadres a été ouverte à tous les paramédicaux. Pendant longtemps, on a cru qu’il fallait être expert des soins pour pouvoir les encadrer. Un kinésithérapeute pouvait-il vraiment encadrer des infirmiers ?
Mais il est apparu évident que la mission principale n’était pas le soin, mais l’encadrement, le management d’équipe. Au plus haut des responsabilités, être directrice ou directeur des soins ne nécessite pas d’être expert dans le secteur où l’on exerce.
Néanmoins, ces fonctions demeurent-elle la « chasse gardée » des infirmiers ?
Il est vrai que les autres professions paramédicales sont moins représentées à l’école des cadres.
Mais de mon point de vue, c’est lié aux conditions d’exercice. A l’hôpital, kiné, psychomotriciens, diététiciens, sont moins nombreux et exercent souvent en solitaire. Cela rend plus compliqué à identifier leur propre légitimité. C’est aussi un choc culturel : le travail d’équipe face à l’exercice individuel. Il nécessite un travail sur soi plus intense et rend la formation plus ardue. Mais pour autant, pas impossible du tout.
Quels sont les profils des étudiants accueillis aujourd’hui en IFPS ?
Pour les Aide soignants, nous avons une égale répartition entre bacheliers et détenteurs de diplômes infra-bac ou venus du terrain. C’est une population un peu plus âgée, qui atteint déjà les 25, 26 ans.
Pour les infirmiers, la proportion de jeunes est plus importante. Nous recevons des sorties de bac en gros volume via le dispositif Parcoursup. Véritable évolution, nous accueillons une proportion de plus en plus importante de mineurs. Sur cette nouvelle promotion 2023, avec 116 inscrits, 25 personnes sont mineures. C’est le chiffre le plus important que nous ayons eu jusqu’alors.
Dans le même temps, nous accueillons aussi des étudiantes et étudiants en évolution professionnelle, voir en reconversion, avec une moyenne d’âge plus élevée. L’écart d’âge est donc plus conséquent que chez les aides-soignantes, avec un meilleur taux de réussite pour les plus âgés.
Du côté des questions de genre, alors que nous sommes dans une profession féminine à 90%, cette année, nous comptons 20% d’hommes dans notre promotion de première année.
Les établissements disposent d’une réelle latitude d’innovation pour préparer les étudiants à la recherche d'emploi.
Comment les formations paramédicales préparent-elles les étudiants à la recherche d’emploi ?
Chez les infirmiers et aide-soignant, rien dans le référentiel de formation ne nous y oblige. Il faut bien savoir que c’est une formation très réglementée, avec un arrêté national qui oblige l’ensemble des centres de formation. Il n’y a rien, dans cet arrêté, à propos de ce sujet.
Pour ce qui concerne notre institut, nous proposons néanmoins une unité d’enseignement optionnel consacré à la préparation de prise de poste et recherche d’emploi. Nous proposons des simulations d’entretiens ou de la rédaction de CV. Les lettres de motivation, nous avons délaissé le sujet car Chat GPT le fait mieux que ce que nous pourrions apporter. Et puis nous avons des professionnels de terrain, des recruteurs, qui viennent simuler les entretiens pour permettre de travailler posture et discours. Sur ces points, les établissements disposent d’une réelle latitude d’innovation.
Que deviennent les jeunes diplômés au sortir de leurs études ? Comment s’insèrent-ils dans le marché de l’emploi ?
Pour ce qui concerne ma région, le GREF Bretagne observe un taux d’insertion dans l’emploi très fort. 100% des diplômés sont en poste. Certains sont en CDD ou en missions d’intérim, parce que cela correspond aux attentes nouvelles d’une génération qui ne cherche pas forcément un CDI ou une titularisation au départ. Cette génération préfèrera multiplier les expériences pour mieux choisir ensuite un projet qui leur corresponde, fût-ce pour une période limitée. Je ne crois pas qu’ils aient en tête une carrière telle que moi je l’ai menée.
Comment se porte le marché de l’emploi pour les paramédicaux en France ? Les problématiques sont-elles identiques en Bretagne ?
Aujourd’hui, en Bretagne, ces sont les établissements qui courtisent les étudiants. Il y a des postes de partout, mais moins de candidats qu’il n’y a de places à pourvoir.
Et le marché de l’emploi est florissant partout en France. Notamment en gérontologie où les EHPAD ont beaucoup de mal à recruter.
Les établissements essayent donc de se rendre attractif, en parlant de qualité de vie au travail, en accompagnant dans les recherches de logement, en offrant des fleurs à l’arrivée du professionnel… Mais est-ce que cela répond vraiment à la demande ? La demande, c’est de répondre aux difficultés du secteur de la Santé. Les primes ne compensent pas les conditions de travail qui se dégradent. Là, est le vrai sujet, selon moi. Mais il ne dépend pas des établissements eux-mêmes.
En tant que directrice des soins d’un établissement de santé, comment influe-t-on sur le recrutement des professionnels paramédicaux ?
C’est notre responsabilité. Pas le recrutement, qui lui est toujours une des fonctions des Directions des Ressources Humaines. Notre responsabilité, c’est la sélection des candidats. C’est là que nous sommes en action. Nous organisons les recrutements, avec les cadres de santé recruteurs ainsi que les sélections.
Nous sommes là pour répondre aux enjeux du projet de soin : s’il y a nécessité de développer des équipes mobiles, alors nous devons repérer des profils plus autonome. Si c’est une unité consacrée aux troubles alimentaires, il faut choisir les bons profils psychologiques. La rédaction des annonces d’emploi est importante pour dire ce que l’on souhaite comme professionnels.
Nous avons besoin de vous pour trouver des profils spécifiques, liés à des activités spécifiques.
Comment envisager le travail en partenariat avec un cabinet de recrutement tel que le nôtre, pour une direction des soins ?
Nous avons besoin de vous pour trouver des profils spécifiques, liés à des activités spécifiques.
Pour trouver des agents de service hospitaliers (ASH), nous n’avons pas besoin de vous.
Mais quand nous cherchons des compétences particulières ou le fameux mouton à 5 pattes, là le cabinet peut être utile pour limiter les entretiens à passer et nous faire gagner pour gagner du temps.
Quels sont les enjeux des métiers paramédicaux dans les années à venir ?
C’est la reconnaissance sociale. Les métiers du soin ont besoin de plus de reconnaissance sociale, notamment pour les métiers de première ligne.
Il y a par ailleurs un virage à prendre par rapport au vieillissement de la population. Il faut insister sur l’accompagnement au plus près du territoire : les maisons de santé, l’exercice libéral, la coordination des professionnels sur le terrain… La réanimation, qui fait tant rêver, c’est anecdotique. Accompagner prise en charge quotidienne : c’est là que se joue l’important.
Et puis il y a les compétences numériques en santé : la préservation des données personnelles, les objets connectés, les outils numériques, les réseaux sociaux … Des champs qui ouvrent des perspectives vraiment intéressantes pour les professionnels qui s’engagent dans les métiers aujourd’hui.
Merci à vous Mme Chareyre
Site web de l’IFPS du CHGR